Notaires sûrement et pour longtemps !
Pour transmettre un patrimoine dans de bonnes conditions et envisager la meilleure répartition, le notaire organise le partage au moyen des donations. Autant de parts distribuées entre les héritiers avec, cerise sur le gâteau, des avantages fiscaux que savoure le donateur.
Succession bien ordonnée rime avec anticipation et préparation. Et pour cela, rien ne vaut les donations. Elles éviteront de vous faire du souci pour le confort matériel de votre conjoint, limiteront les risques de disputes entre vos enfants et vous permettront de bénéficier d'avantages fiscaux. Alors ne vous privez pas de cet outil de transmission haute efficacité. Faire une donation c'est transmettre gratuitement un bien ou de l'argent à quelqu'un, sans rien attendre en retour. Mais au-delà, ce geste de pure générosité permet surtout de répartir de son vivant tout ou partie de ses biens entre ses héritiers et/ou favoriser les personnes de son choix au lieu d'attendre le règlement de la succession. Le donateur optimise la transmission de son patrimoine tout en préservant l'harmonie familiale. Sans omettre l'aspect fiscal.
Pour protéger son conjoint
La donation entre époux
Les époux héritent l'un de l'autre sans payer de droits de succession. Mais la part qui revient au survivant n'est pas toujours suffisante pour faire face à ses besoins. D'où l'importance de prévoir une donation permettant d'améliorer sa situation matérielle en lui permettant de recevoir plus que ce qui est prévu par la loi. La donation entre époux présente de nombreux intérêts. Plus particulièrement en présence d'enfants (notamment s'ils sont nés d'une autre union). En présence de descendants, il est possible de donner à son conjoint au maximum :
- s'il y a un enfant, la moitié de la succession
- s'il y a 2 enfants, 1/3 de la succession
- s'il y en a 3 ou plus, 1/4 de la succession.
Les donations entre époux peuvent être consenties à hauteur de 80 724 € en franchise de droits.
Intéressant : sauf disposition contraire et s'il le souhaite, le conjoint survivant peut choisir uniquement les biens qu'il juge utiles ou nécessaires à sa protection et laisser le surplus à ses enfants. On parle de cantonnement. Fiscalement, cet "abandon" aux autres héritiers n'est pas considéré comme une libéralité faite par le conjoint. Les biens reçus par les héritiers par l'effet du cantonnement sont réputés transmis à titre gratuit par le défunt.
Le coup de pouce patrimonial
Monsieur et Madame S. sont mariés sous le régime de la communauté réduite aux acquêts et se sont consenti une donation au dernier vivant. Ils ont deux enfants communs, Martin (50 ans) et Lise (46 ans).
Monsieur S. décède. Sa succession se compose de ses biens propres (héritage de ses parents) et de la moitié des biens communs.
Les biens propres de l'époux (pour un total de 500 000 €) se composent d'un bien locatif d'une valeur de 200 000 € et de titres pour 300 000 €. Les biens communs (pour un total de 1,4 M€) comprennent la résidence principale estimée à 800 000 €, une résidence secondaire d'une valeur de 400 000 € et de liquidités pour 200 000 €. Soit un actif successoral de 1 200 000 € (500 000 € de biens propres et 700 000 € représentant la moitié de la communauté).
Le patrimoine de Madame S. s'élève à 1 000 000 € (300 000 € de biens propres et 700 000 € de biens communs). Elle souhaiterait être propriétaire de la totalité de la résidence principale et que le surplus revienne à leurs enfants. Elle choisit donc de cantonner son émolument sur la moitié de la résidence principale dépendant de la succession (400 000 €). Le reste des biens est dévolu aux enfants (pour un total de 800 000 €). Madame S. ne sera pas en indivision avec ses enfants sur sa résidence principale et n'aura aucune fiscalité à acquitter.
Donner mais avec réserve. La loi impose certaines limites pour que les enfants ne soient pas lésés. Qu'ils soient nés de parents, mariés ou non, ou adoptés, tous les enfants ont droit à la réserve héréditaire. Depuis la loi du 3 décembre 2001, le conjoint est également héritier réservataire, à une double condition : que le défunt n'ait pas de descendants (enfants, petits-enfants…) et, qu'au moment du décès, les conjoints ne soient pas divorcés. Si ces deux conditions sont remplies, la loi attribue au conjoint le quart de la succession. Les trois autres quarts pourront être librement légués aux personnes de votre choix. Il est cependant possible d'augmenter la quotité revenant au conjoint par le biais d'une donation entre époux (aussi appelée donation au dernier vivant) ou d'un testament. La répartition entre la réserve et la quotité varie selon le nombre d'enfants.
Pour transmettre à ses enfants
La donation-partage
Qu'il s'agisse d'organiser sa succession ou de donner un coup de pouce financier à ses enfants, de nombreux parents décident de partager leur patrimoine de leur vivant entre leurs enfants. Ils ont le choix entre donation simple et donation-partage. La première peut apporter une aide ponctuelle à un enfant, en avance sur sa part successorale. Il est également possible de l'avantager par rapport aux autres. Ce sera alors une donation "hors part successorale". Tout en restant dans la limite des règles de la quotité disponible et de la réserve héréditaire. Si la donation consentie empiète sur la part de ses frères et sœurs, ils pourront, lors de l'ouverture de votre succession, remettre en cause la donation. Mais pour être sûr d'éviter les conflits en ne lésant aucun de vos enfants, la donation-partage apparaît comme la solution idéale.
Le coup de pouce fiscal
? Mariés sous la communauté légale et ayant une fille unique issue de leur union, Monsieur et Madame A. décident de lui donner un bien immobilier d'une valeur de 208 000 €. Le donataire (leur fille) bénéficie d'un abattement double (2 x 100 000 €) car le don est effectué par chacun de ses deux parents.
Chaque part taxable (4 000 € x 2 = 8 000 €) est soumise à des droits de donation. Comme les 8 000 € correspondent à la première tranche taxable après abattement, l'imposition est de 5 %. Le montant des droits de donation est donc estimé à 8 000 € x 5 % = 400 € (hors frais de notaire)
? Autre exemple, celui de Sandrine (65 ans), deux enfants (Nathalie et Stéphane). Elle possède une maison de 500 000 €, un appartement locatif évalué à 80 000 € et un portefeuille d'actions de 80 000 €. En faisant une donation-partage (portant sur son épargne et le bien locatif) au profit de ses deux enfants, elle leur permet de gérer le patrimoine reçu comme bon leur semble. Sandrine leur permet également de profiter d'un abattement de 100 000 € chacun sur le montant des droits à payer. Elle peut même renouveler l'opération tous les 15 ans, toujours dans la limite de 100 000 €. Ses enfants seront à chaque fois exonérés de droits.
Mettez-y les formesToute donation doit être rédigée par un notaire. Son intervention apporte bon nombre de garanties (l'acte est incontestable, il ne risque pas d'être perdu ou détruit…). La donation peut prévoir des clauses spécifiques afin de préserver les intérêts du donateur en fonction des circonstances et des objectifs visés. Il s'agit par exemple d'une donation avec charges (obligeant le donataire à faire certains actes s'il veut bénéficier de la donation), une donation graduelle (permettant au donateur de donner un bien en pleine-propriété à un premier bénéficiaire qui a obligation de le conserver jusqu'à la fin de sa vie et de le transmettre à son décès à un second bénéficiaire désigné dans l'acte de donation), une donation avec réserve d'usufruit…
Pour aider ses proches
Les dons d'argent
Jusqu'au 30 juin, les dons de sommes d'argent à un enfant, petit-enfant ou arrière-petit-enfant sont exonérés d'impôts jusqu'à 100 000 € par donateur si les sommes reçues sont affectées à des opérations spécifiques. La somme d'argent doit être versée en numéraire (chèque, virement, remise d'espèces) entre le 15 juillet 2020 et le 30 juin 2021. Un même bénéficiaire peut recevoir plusieurs dons de 100 000 € (par exemple, un don de ses parents et un autre de ses grands-parents) sans être taxé. Le don doit financer la construction de la résidence principale du bénéficiaire ou la réalisation de travaux énergétiques éligibles à la prime de transition énergétique dans la résidence principale du bénéficiaire. Il peut également être dédié à l'investissement au capital d'une petite entreprise de moins de 50 salariés. Cette structure doit exister depuis moins de 5 ans et ne pas avoir encore distribué de bénéfices. Son bilan doit être inférieur à 10 M€. La direction est assurée par celui qui reçoit le don pendant une durée de 3 ans. Dans tous les cas, la somme reçue par le donataire doit être utilisée dans les 3 mois après son versement. En dehors de cette mesure temporaire, les dons de sommes d'argent sont également favorisés sous certaines conditions.
Le coup de pouce fiscal
Christine (55 ans) fait un don de somme d'argent d'une valeur de 20 000 € à son fils Benjamin (28 ans) dans le cadre du dispositif spécifique des dons familiaux de sommes d'argent. Dans la mesure où ce type de donation bénéficie d'une exonération de droits jusqu'à 31 865 €, aucune taxation ne sera appliquée. Dans les 15 ans à venir, Christine pourra, si elle le souhaite, faire un autre don de somme d'argent à son fils, dans la limite de 11 865 € (31 865 € - 20 000 €) ainsi qu'une donation de biens meubles ou immeubles ou un don en numéraire jusqu'à concurrence de 100 000 € (soumis à l'abattement en ligne directe), soit 111 865 €, sans qu'aucun droit de donation ne soit dû.
Pour préserver le patrimoine familial
Les donations peuvent avoir un autre objectif : conserver le patrimoine familial et éviter qu'il ne soit dispersé et que les héritiers ne soient taxés au prix fort. Souvent, cette problématique se rencontre lors de la transmission d'une entreprise familiale. Dans cette optique, le pacte Dutreil offre au chef d'entreprise un cadre fiscal favorable au passage de relais. Il permet de bénéficier d'une exonération de droits de donation à hauteur de 75 % de la valeur des titres ou de l'entreprise, sans limitation de montant. Cette exonération est cumulable avec l'abattement de 100 000 € sur les droits de donation, valable tous les 15 ans. Si le donateur a moins de 70 ans, à l'exonération de 75 % s'ajoute une réduction supplémentaire de 50 %. Pour bénéficier de l'exonération dans le cadre d'un pacte Dutreil, il faut remplir plusieurs conditions. L'entreprise doit exercer une activité opérationnelle éligible (commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole) et doit avoir été détenue par le défunt ou le donateur depuis au moins deux ans. Vos enfants s'engagent à conserver les biens affectés à l'exploitation et au moins l'un de vos enfants s'engage à poursuivre l'exploitation de la société pendant 3 ans à compter de la transmission.
Le coup de pouce fiscal
- Pierre souhaite transmettre à ses deux fils son entreprise évaluée à 2 000 000 €. Il va donner à chaque enfant 1 000 000 € de titres de sociétés. L'abattement Dutreil représente 750 000 €. Après application de l'exonération de 75 %, le montant de la donation ne s'élève plus qu'à 250 000 €. À cela s'ajoute l'abattement de droit commun par enfant soit 1 000 €. La valeur taxable n'est plus alors que de 150 000 €. Les droits de donation exigibles par enfants s'élèvent à 28 198 €. En comparaison, sans disposition particulière, les droits de mutation à titre gratuit auraient été de 212 962 €.
- Autre cas de figure : l'absence de conjoint et de famille proche. Michel, 75 ans, est veuf et n'a pour seule famille que 3 neveux tous trentenaires. Il détient un important patrimoine immobilier et de nombreux placements financiers. Michel sait pertinemment que les droits de succession que ses neveux devront acquitter à son décès seront élevés. Pour leur éviter d'être trop taxés, Michel envisage de faire une donation à chacun. Dans le cadre du don familial dit aussi don Sarkozy, ils pourront bénéficier d'une exonération de droits à hauteur de 31 865 €. Michel peut également faire une donation à hauteur de 7 967 € chacun. Et ce tous les 15 ans.
Des mots pour comprendre
- Usufruit : droit d'utiliser et de percevoir les revenus d'un bien appartenant à une autre personne (le nu-propriétaire)
- Nue-propriété : droit permettant à son titulaire de disposer des biens qu'il détient, mais l'empêchant d'en user (l'habiter) ou d'en tirer des revenus.
- Pleine-propriété : droit complet réunissant tous les attributs de l'usufruit et de la nue-propriété.
Marie-christine Ménoire